Solidarité Résistance Antifa
Accueil du site > Historique > Affaire des FTP > Communiqué de presse du comité Toursky du 5 mai 2000

Communiqué de presse du comité Toursky du 5 mai 2000

vendredi 5 mai 2000

imprimer

1 - De l’arrestation à la clôture de l’instruction.

- 15 octobre 1999 : arrestation, mise en examen ("destruction de biens immobiliers par des substances explosives") en première comparution par le juge Assonion, pour les faits relatifs à l’attentat du Stadium de Vitrolles en octobre 1998 (une explosion avait endommagé le groupe électrogène devant alimenter le RIF organisé par la municipalité FN quelques jours plus tard). De nombreux démocrates avaient demandé l’interdiction de ce concert autorisé par le préfet). Poursuite de l’instruction par le juge Issenjou prenant en compte différentes actions signées "FTP" sur Marseille.

- Janvier 2000 : demande de libération de William par ses avocats. Refus du juge (qui estimait "qu’un trouble à l’ordre public persiste encore dans la mesure où ce type de faits concourt à l’insécurité que peuvent ressentir de nombreux citoyens")..une interprétation qui ignorait le contexte particulier des faits (dont le trouble suscité par le RIF chez de nombreux citoyens), aucun attentat ne s’étant produit depuis plus d’un an après l’implosion du FN.

- 22 février 2000 : Libération de William sur décision de la Chambre d’Appel, assortie d’une caution de 50 000F. (une décision qui s’appuyait sur une prise en compte "réaliste" des faits, des garanties de " moralité "de William, marquant un échec de la partie civile Megret qui s’opposait à cette libération). Il récupérera son ordinateur et son imprimante saisis pour "investigations"

- Mars 2000 : clôture de l’instruction après les auditions successives de Yves et William. Refus du juge de libérer Yves. Yves privilégie l’éclairage public de l’affaire et l’enjeu du procès (interview à la Marseillaise le 8 avril) : il renonce à une procédure d’appel qui retarderait ce procès.

Commentaire général : William et Yves se sont largement expliqués sur les faits qui leur sont reprochés dès leur première comparution. Ils ont attendu 5 mois avant d’être interrogés sur le fond de 1’affaire par le juge. 5 mois de trop : la détention ne pouvait être une nécessité pour "sécuriser une instruction , portant sur une période de faits relevant d’un autre contexte, "contrôlée" par une filature policière plusieurs mois avant les arrestations. Elle était inutile à la prévention d’un "trouble de l’ordre public " (aucun attentat depuis un an, après l’implosion du FN). Elle ne pouvait être un élément de pression pour rechercher une autre compréhension des actes : des actes motivés par des convictions antifascistes.

Au regard des faits, de leur nature et de leurs effets réels, la demande initiale du comité d’une libération immédiate pour William et Yves était fondée et reste fondée pour Yves qui reste emprisonné. Il s’agit toujours de la même exigence : La dignité et la liberté de défense de deux militants qui assument leurs convictions et leurs actes dictés par la nécessité d’agir face à la montée du danger fasciste. Cette exigence fait que William et Yves considèrent que c’est non leur situation personnelle qui compte aujourd’hui, mais bien le combat général impliquant tous les antifascistes par une réflexion commune qui n’est -pas terminée quels que soient les avatars du FN. En arguant une possible "récidive" ou la tentation de se "soustraire à la justice", le juge niait leur sens des responsabilités : William ne s’est évidemment pas enfui depuis sa libération et Yves n’a pas l’intention de le faire, convaincu qu’il est de la valeur "pédagogique" du procès qui l’attend.

2 - Les bases du comité

Le comité s’est constitué sur la base d’une solidarité antifasciste face à un risque de répression qui serait provoqué par une application sans discernement du code pénal et par la pression de l’extrême droite tentée de tirer avantage de cette répression. Il s’agissait de prendre en compte :

- Des faits mineurs et leurs effets symboliques : des dégradations matérielles limitées sans porter atteinte aux vies humaines à des moments et en des circonstances où le FN manifestait son emprise sur la société par une politique de haine et de violence.

- Le défi fasciste à la conscience démocratique et aux institutions républicaines par une politique de tension et de provocations qui durant toute une période rythmait la progression du danger FN : Aucun dirigeant FN inquiété après l’assassinat d’lbrahim Ali, dispersion brutale de la manifestation pacifique du 11 mars 1997, autorisation du RIF de Vitrolles par le préfet, multiplication des actes illégaux par les municipalités FN ... La question : comment arrêter le FN ? se posait de manière aiguë à tous les démocrates particulièrement en région PACA.

- L’enjeu pour l’extrême droite d’un procès où elle se constitue partie civile contre des militants antifascistes : malgré I’implosion du FN et l’antériorité des actions FTP par rapport à cette implosion, la possibilité d’une nouvelle manipulation des faits et de l’Histoire, par une rhétorique bien connue la représentant comme "victime", "en légitime défense", des réactions qu’elle a suscitées. La volonté de se parer d’une image "honorable", pour masquer ses échecs, à i’approche des élections municipales pourrait influer sur le contexte et le déroulement du procès.

Ce sont ces enjeux qui ont poussé de nombreuses personnes, associations et organisations à se rassembler au sein du comité et à s’associer à ses appels et initiatives. Ce mouvement de solidarité n’élude pas le débat autour du choix "FTP" quant aux méthodes et au terrain sur lequel il s’est situé. Ce choix a impliqué de fait une démarcation avec la pratique et les orientations suivies par le mouvement démocratique qui a choisi une autre voie : celle qui privilégie l’action au grand jour, au niveau des idées et sur tous les terrains de la vie sociale, et qui vise au rassemblement et à l’unité la plus large contre le fascisme. Cette démarcation qui suscite des réserves ou des critiques ne signifie pas que la réponse au danger fasciste se réduise à un choix de méthodes ou à une démarche consensuelle. La légalité même du FN en France n’a jamais fait consensus pas plus que la "légitimité", du gouvernement autrichien actuel dans le concert européen. Face à une idéologie qui s’enracine dans la violence du racisme, de la xénophobie et de l’exclusion, qui s’exprime par l’arrogance et le mépris, qui se développe aussi en fonction d’une certaine impunité, les réponses symboliques, liées à des choix personnels, peuvent se comprendre, même si elles ne peuvent constituer en soi une réponse globale, à la hauteur du défi fasciste.

C’est ainsi qu’on peut percevoir ou situer la symbolique "FTP", indépendamment de la responsabilité politique des actes et de leurs effets qui n’engagent que les "FTP". Par des déclarations récentes, Yves a souhaité apporter un éclairage sur les motivations qui ont porté le projet "FTP", sur les analyses et les actions qu’il assume personnellement et qu’il livre à l’opinion et à la critique de tous les antifascistes. C’est cet éclairage qui engagera sa défense durant le procès.

3 - L’orientation du procès : I’engagement antifasciste.

C’est cet engagement qui a conduit Yves à concevoir des actions qu’il revendique et qu’il assume, non pour les exemplariser, mais pour les inclure dans le mouvement de résistance à la montée du FN en particulier en région PACA.

Le choix "FTP", dans son esprit, ne s’est pas fait contre un mouvement démocratique auquel il se sait lié, mais en fonction d’un bilan qu’il tire de cette expérience, faite de succès et d’échecs, qui l’a amené à travers une réflexion personnelle à "un choix personnel qui comme tel est critiquable". Il attend du procès "qu’il me permette de m’expliquer, de juger autant le fond que la forme. Qu’il replace mes activités dans le contexte politique qu’a connu Marseille et ses environs. Si l’on doit me juger, il faut aussi que l’on juge les idées que j’ai combattues, qu’elles sont responsables de la mort d’un jeune de 18 ans qui n’avait pour seul tort que d’être noir et d’origine immigrée. Ceux qui ont armé intellectuellement les assassins sont demeurés libres et continuent à diffuser leur discours de Haine. (LA MARSEILLAISE 08.04.00)

4 - Conclusion.

Nous restons convaincus qu’aucune raison sérieuse ne justifiait une détention préventive pour William et Yves. Le résultat des actions "FTP" est sans commune mesure avec la violence de l’extrême droite. La comparaison s’impose pour tous ceux qui considèrent que le trouble à l’ordre public, que le danger pour la démocratie viennent de cette extrême droite.

Les actions "FTP" ont été conditionnées par des événements que le FN a provoqué, sachant délibérément qu’ils suscitaient l’hostilité et l’indignation de tous les démocrates. Le Tribunal devra juger des faits dont la seule raison est d’avoir été dictés par la conscience de faire face à un danger majeur, alors que les héritiers "dépositaires" de ce danger seront parties civile dans le procès.

Apres plus de 4 mois de prison pour William et 6 mois déjà pour Yves, pour une détention préventive largement abusive, nous estimons que l’effet de répression ne doit pas se prolonger au-delà du procès : ils doivent sortir libres de ce procès !


Suivre la vie du site RSS 2.0 | SRA 21 ter rue Voltaire 75011 Paris | sra (a) samizdat.net | Soutien chèques à l'ordre de LAB