Solidarité Résistance Antifa
Accueil du site > Solidarités > La solidarité comme arme contre l’injustice, la misère et (...)

La solidarité comme arme contre l’injustice, la misère et l’oppression

Yves Peirat

jeudi 5 juillet 2001

imprimer

Depuis le 25/06 j’ai entamé une grève de la faim qui s’inscrit dans le cadre d’un mouvement national, auxquels participent aussi bien des prisonniers politiques de toutes obédiences, que des prisonniers sociaux, en solidarité avec les grévistes de la faim en Turquie.

Depuis le 25/06 j’ai entamé une grève de la faim qui s’inscrit dans le cadre d’un mouvement national, auxquels participent aussi bien des prisonniers politiques de toutes obédiences, que des prisonniers sociaux, en solidarité avec les grévistes de la faim en Turquie.

Au moment où je vous écris, c’est dans un silence des plus assourdissants que les détenus turcs et kurdes continuent leur grève de la faim, ainsi que des proches pendant que la communauté européenne détourne son regard. À ce jour, 20 grévistes sont déjà morts dans les prisons et hors les murs de celles-ci

Nos hommes politiques et nos intellectuels, si prompts à s’émouvoir de l’arrivée au pouvoir d’un Haider ou d’un Berlusconi ne se mobilisent guère sur ce sujet.

Pourtant, il y aurait de quoi tant les similitudes sont grandes. La Turquie est un pays régi depuis des lustres par un pouvoir militaire qui partage celui-ci actuellement avec une coalition mêlant droite et extrême droite (le MHP, dont les hommes de main sont plus connus sous le nom de "Loups gris") et dont la collusion avec la mafia locale n’est plus un secret.

Pour preuve l’accident automobile survenu au mois de novembre dernier et dans les décombres duquel furent retirés les cadavres de l’ex-directeur adjoint de la sûreté générale d’Istambul, celui d’un des chefs de la mafia turque, et dans lequel fut blessé un député. Les trois hommes circulaient ensemble dans le même véhicule.

Faut-il rappeler enfin que 75% de l’héroïne saisie en Europe est fabriquée ou provient de Turquie, qui est le pays le plus touché par le blanchiment d’argent provenant de l’ex-Union soviétique.

Quant aux médias français, ils se complaisent à présenter ce combat comme une opposition entre deux fanatismes. Comme sur les plateaux d’une balance, il posent d’un côté l’intransigeance brutale du gouvernement turc et de l’autre le dogmatisme de plus de 1000 prisonniers politiques et de plus de 300 parents engagés dans cette grève. Ils mentionnent certes que la police et le système judiciaire turc ne sont pas exempts de reproches quant aux droits de l’Homme. Pour autant ces commentaires n’évoquent que discrètement la torture et les procès d’exception. ils sont pourtant les instruments routiniers de l’appareil répressif, contribuant à un régime où nombre des normes démocratiques dont ces mêmes médias se font les chantres, en d’autres circonstances, sont hors-la-loi, tels que la liberté de penser, de s’exprimer, de s’associer.

Prétextant une mise "à la norme européenne" de ses bagnes, l’État turc a donc décidé de transférer une partie des détenus, en particulier les politiques dans des prisons spéciales, à cellule individuelle, où chacun sera isolé, à la merci de la répression et coupé de ses camarades. La grève de la faim de ces derniers ne s’opposent pas en tant que telle à la réforme des prisons comme le prétendent les médias, mais vise simplement à dénoncer les cellules d’isolement en tant que continuation de la torture. Cette situation rend d’autant plus odieux le récent appel du Commissariat à l’élargissement de l’Union européenne demandant au gouvernement turc de "planifier" quelques "détails" encore, avant de pouvoir accéder à une véritable candidature d’État membre de cette Union "démocratique".

Il ne s’agit pas seulement de dénoncer une hypocrisie. Naïfs, ceux qui s’en tiennent aux postures morales des gouvernements tombent dans le piège d’une occultation des intérêts stratégiques.

La Turquie est toujours la tête de pont du monde occidental dans la région. Membre de l’OTAN, elle est doublement insérée dans la stratégie de l’Union européenne, dans la zone méditerranéenne et moyen orientale, comme l’a démontré le rôle qu’elle a joué lors des conflits contre l’Irak et la Serbie.

Si nous sommes solidaires des revendications des prisonniers politiques turcs et kurdes, c’est parce qu’elles nous renvoient à nos propres luttes à l’intérieur comme à l’extérieur de la prison.

Celles qui concernent, à l’intérieur

- le refus des peines d’élimination et la remise en fonctionnement des textes régissant les peines (libertés conditionnelles, commutations, compressions de peine, semi-liberté...) ;

- la libération immédiate des détenus malades ;

- la fermeture des Quartiers d’Isolement qui ont remplacé les QHS de sinistre mémoire ;

- le rapprochement géographique familiale ;

- la double peine, l’expulsion et l’extradition.

Celles qui sont formulées à l’extérieur, contre le monde de la Marchandise et la société qui la façonne, au travers des mobilisations de Seattle, Millau, Davos, Prague, Nice, Québec et bientôt Gênes.

Car les raisons qui nous ont mené en prison, loin d’avoir disparu, sont toujours plus d’actualité. Les lois du marché plongent chaque jour plus profondément les peuples du monde dans la misère, la guerre, les maladies... La négation des droits de nombreux peuples, le racisme, le sexisme et la dévastation de l’éco-système participent de cet écrasement général de l’humanité au profit d’une poignée de nantis.

C’est ainsi que des forêts du Chiappas aux montagnes de la Kabylie, en passant par la bande de Gaza, et du fond des prisons, se construit la conscience de ce qui nous tient debout dans l’adversité.

La solidarité comme arme contre l’injustice, la misère et l’oppression.

Yves Peirat, prisonnier antifasciste

Communiqué de presse du 05.07.01


Suivre la vie du site RSS 2.0 | SRA 21 ter rue Voltaire 75011 Paris | sra (a) samizdat.net | Soutien chèques à l'ordre de LAB