La démocratie espagnole n’a pas tué la bête immonde. Au contraire, elle réprime les groupes de résistance antifasciste. En Italie, les urnes mettent en place un gouvernement droite, extrême droite. Un néofasciste prend la mairie de Rome ! En tant que défenseurs de valeurs de solidarité entre les peuples, nous ne serons pas tolérants ou « démocrates » avec de telles personnes. Résistance antifasciste maintenant !
Franco n’est pas mort, son cadavre bouge encore !
Il semblerait que toute opposition à la politique institutionnelle de l’État ou des régions « nuise à l’ordre public » de l’autre côté des Pyrénées. Un « syndicat collectif des fonctionnaires publics » vient de demander l’illégalisation, pour cause de troubles à l’ordre public, d’un groupe antifasciste de Madrid. On avait fini par penser que cette mesure juridique ne s’appliquait qu’à la gauche basque, mais d’autres organisations en font les frais : Izquierda Castellana (« gauche castillane ») est aussi menacée à la demande du même syndicat.
Il faut dire que le syndicat en question, avatar du franquisme qui n’a pas de réelle audience dans le monde du travail, regroupe quasi exclusivement des policiers, sous le nom Manos Limpias. Son secrétaire général, Miguel Bernard Remon, a successivement été vice-président de Fuerza Nueva, milice d’extrême-droite dans l’immédiat post-franquisme, puis du Frente nacional de Blas Piñar, qui ambitionnait de devenir l’équivalent du parti de Le Pen dans l’État espagnol.
Il faut dire que la coordination antifasciste a de quoi donner des sueurs froides à Manos Limpias. Elle est née de l’union de petits groupes de la gauche radicale à la fin des années 80 lorsque l’extrême droite (Vanguardia nacional revolucionaria) a recommencé à appeler à des manifs nationales à Madrid. Les rassemblements se sont succédé sans beaucoup inquiéter les politiques, jusqu’à ce qu’en novembre1992, Lucrecia Perez, une Dominicaine, soit assassinée par les néonazis. Le choc a été tel que 7 000 personnes ont répondu à l’appel à la manif silencieuse de la coordination antifa. Depuis, celle-ci a continué à alerter sur la résurgence fasciste et contre les agressions visant les immigrés dans les quartiers populaires de Madrid. Les contre-manifestations ont été plutôt violentes. Pendant l’une d’elles, le 11 septembre dernier, un jeune antifa, Carlos Javier Palomino, a été tué par un fasciste. Mais la coordination ne baisse pas les bras : elle tente toujours de réveiller les Madrilènes sur le réveil de la bête immonde et sur la criminalisation des mouvements sociaux. Troubles à l’ordre public, donc… mais parle-t-on toujours du même ordre, trente ans après la mort de Franco ?
Vague brune et noire sur l’Italie
Le 28 avril, le parvis de la mairie de Rome s’est rempli de drapeaux italiens, croix celtiques et bras tendus en honneur de l’élection de Gianni Alemanno. Dans une ville où des quartiers entiers sont « contrôlés » par des groupes néofascistes, qui ont déjà créé deux centres sociaux avec comme slogan « des maisons occupées pour les Italiens », la victoire d’Alemanno, fondateur du mouvement Action Jeunesse (groupe d’extrême droite des années 70) et mari de la fille du fondateur du MSI (Mouvement social italien, créé sur les fondements du parti fasciste de Mussolini), est plus qu’inquiétante. D’autant qu’elle survient seulement deux semaines après le retour au pouvoir du trio Berlusconi-Bossi-Fini pour la quatrième fois !
Tristement connue pour ses lois xénophobes et répressives, la coalition de droite annonce très vite le nouveau gouvernement : quatre des nouveaux ministres appartiennent à la Ligue du Nord (parti xénophobe) et quatre autres à Alliance nationale (extrême droite). On se souvient de la loi Bossi-Fini qui a criminalisé l’immigration, la loi sur les retraites de 2001 lancée par le nouveau ministre de l’Intérieur : on imagine aisément quelle répression attend les travailleurs et les migrants.
Quelques jours après l’installation du gouvernement et d’Alemanno, les premiers projets sortent des cartons : doublement du nombre des centres de rétention, expulsion de tous les campements roms ainsi que de tous les Roumains et Bulgares présents sur le territoire national, toujours plus de fric pour les patrons et augmentation faramineuse des impôts pour peser davantage sur les travailleurs. Mais des faits qui se sont déroulés à Vérone nous font mieux comprendre encore le pouvoir que les fascistes sont en train de prendre en Italie. Le 2 mai, des carabiniers tabassent, emprisonnent et assignent à résidence Paco et Valeria, deux jeunes anarchistes, qui buvaient une bière sur la voie publique… ce qui est depuis peu interdit dans la ville, tout comme il est interdit d’y manger. Le 6 mai décède Nicola Tommasoli, 29 ans, tabassé à mort par des fascistes pour ne pas leur avoir donné la cigarette qu’ils lui avaient demandée. Pour protester contre ces meurtres et violences policières, contre les décrets qui interdisent toute trace de ce qui fait la vraie vie dans la ville, les militants de Vérone, Rovereto et Trente ont organisé un rassemblement le 11 mai et une manif le 17. Le gouvernement minimalise et cache la valeur idéologique de ces agressions… et ce n’est que le début de cinq longues années !
9 mai : résistance internationale antifasciste
Le 9 mai 1994, Sébastien Deyzieu, militant du GUD, meurt en tombant d’un toit de la rue des Chartreux à la fin d’un manif « contre l’impérialisme américain », en pleine guerre en ex-Yougoslavie[Les nationalistes de tous poils ont soutenu la lutte des Serbes, et ont parfois même envoyé des « forces vives » pour prêter main-forte.] et à la veille des célébrations du cinquantenaire de la Libération de Paris. Depuis lors, un Comité du 9 mai organise tous les ans un rassemblement à sa mémoire. Mais cette année, le préfet de Paris a accédé à la demande d’interdiction de Delanoé, qui d’un coup a trouvé intolérable cette manif qui « fait l’apologie du fascisme ». Il faut dire que l’an dernier, la parade avait marqué les esprits avec un défilé de torches et de drapeaux à croix celtiques… Le rassemblement antifa a, lui, pu se tenir. Pas très longtemps et largement « encadré » par la police et les gendarmes mobiles.
À noter que nous avions dans notre cortège deux antifascistes russes, en tournée en France de Nantes à Toulouse en passant par Paris, pour présenter la situation à laquelle ils sont confrontés (voir CS de mars 2007) : agressions, procès intentés par l’État et appels au meurtre trop souvent suivis d’effets. Leur courage a impressionné tous les participants aux rencontres. Et nous fait dire que l’internationale antifasciste a, malheureusement, de beaux jours devant elle.
Lille : agressions policières et fascistes
Jeudi 15 mai 2008, le rassemblement unitaire des salariés du secteur public à Lille a été témoin d’agressions de la part de la police nationale et de jeunes militants fascistes. Ceux-ci s’en sont pris à la CNT et aux individus présents dans son cortège.
Un manifestant s’est fait arrêter, sans raison, par des policiers en civil non identifiés comme tels. Les CRS ont ensuite repoussé les manifestants qui se trouvaient aux environs de l’interpellation. Par la suite, alors que la manifestation était terminée et que nos camarades rentraient, trois d’entre eux ont été physiquement agressés par une bande de néonazis qui scandaient : « Le fascisme vaincra ! ». Rappelons que les militants d’extrême droite des Jeunesses identitaires (ex-Unité radicale) ont pignon sur rue depuis l’ouverture récente de leur local à Lambersart. Leur activisme n’aura donc pas tardé à se manifester.
Aujourd’hui, c’est bel et bien le mouvement social dans son entièreté qui a été attaqué par la droite et ses nervis. L’union locale des syndicats CNT de Lille et environs dénonce fermement ces agressions et appelle dès maintenant à réactiver le comité de vigilance antifasciste sur la métropole lilloise. Ne laissons pas faire les casseurs de grève.
Extrait du Combat Syndicaliste numéro 329 Juin 2008