3 ans de Soledad. 381 à l’ombre.
Eté 2009. Une page se tourne pour l’antifascisme madrilène.
La lutte que nous, jeunesse antifasciste madrilène, avons menée par tous les moyens à notre portée contre le fascisme de rue, l’institutionnel et ceux qui le protège, a fini par porter ses fruits. Les fascistes à la face mielleuse et aux couteaux aiguisés du PSOE ont été obligés, du fait du travail antifasciste, de révoquer la Déléguée du gouvernement à Madrid, María Soledad Mestre García, qui a occupé son poste formellement du 12 mai 2006 au 24 avril 2009.
Cette révocation a, de manière évidente, été entraînée par les réponses sociales face aux constantes provocations fascistes et racistes que les mouvements populaires de Madrid ont dû endurer. Manifestations racistes dans des quartiers populaires à forte densité de population étrangère, rencontres avec des leaders fascistes de toute l’Europe et meetings publics de toutes sortes, toujours autorisés par la Délégation du gouvernement, sont des exemples de ce qui habituellement permet à ce type d’organisations de diffuser leur message et de croître. Des organisations et des partis qui trouvent un refuge idéal sous l’aile du PSOE qui par nature est incapable de comprendre le danger qu’entraîne la diffusion de ces idées au sein d’une société minimalement juste.
Ces « bagarres entre bandes », comme les entreprises de communication le rabâchent sans cesse, ont causé depuis 1991 pas moins de 74 morts dans tout l’Etat, selon le rapport incomplet RAXEN 2008, 29 d’entre eux à Madrid. Cela veut dire que presque la moitié des assassinats commis par des fascistes en Espagne au cours des dernières années s’est produite dans sa capitale.
Au contraire, au cours de toutes ces années, aucune information ne fait état d’un quelconque antifasciste ayant assassiné un néonazi, et ce n’est pas l’envie qui manquait, au contraire.
Il est évident que ce sont eux les assassins, que les fascistes sont les uniques terroristes qui vont manifester armés de couteaux militaires et avec la totale préméditation de tuer, les seuls ayant des idées suffisamment inhumaines pour assassiner en 74 occasions au cours des 18 dernières années. En revanche, le PSOE est resté sur ses positions pour leur assurer leurs « droits fondamentaux », en tant qu’organisations parfaitement légales, réprimant autant que nécessaire les voix qui se sont élevées contre ces injustices. Qu’y a-t-il derrière ce montage ?
On le découvre si l’on met en perspective la trajectoire capitaliste radicale du PSOE ces dernières années. Depuis la période du fascisme armé des GAL, en passant par la loi fasciste 6/2002, du 27 juin, plus connue sous le nom de Loi des Partis et qui place l’Espagne depuis 7 ans en état d’exception politique, ou les successives réformes en matière de droit du travail, nous avons pu voir comment le PSOE, au-delà du sourire politique, de la « tolérance » et de « l’humeur » s’est montré être un fier défenseur du capitalisme et, par conséquent, un ennemi naturel de la classe ouvrière.
Peut-être que cela, le fascisme, paraîtra assez lointain aux plus sceptiques. Ils croiront que cela appartient au passé... mais si l’on entend le fascisme comme étant le défenseur réactionnaire du capitalisme, on constatera clairement que lorsque que l’on détourne le regard à l’heure de parler des purges du passé franquiste, qui n’a jamais été nettoyé par la « démocratie bourgeoise », on défend implicitement les intérêts de ceux-là mêmes qui ont été capables de déclencher une guerre civile pour conserver leurs privilèges. Lorsque l’on emprisonne et que l’on torture des camarades antifascistes et anticapitalistes car ils ont exprimé leurs idées, c’est à nouveau le visage du fascisme d’Etat. Lorsque l’Etat gère l’expulsion de la main d’œuvre immigrée en fonction des nécessités des entreprises privées, c’est aussi le visage du fascisme d’Etat. Lorsque l’on permet la diffusion des idées fascistes en réprimant les antifascistes aussi durement que nécessaire... ne serait-ce pas encore le même visage du fascisme institutionnalisé ?
Une fois arrivés à ce stade, arrive le moment de sortir la calculatrice et de commencer à faire des additions à froid du solde répressif que le mouvement antifasciste madrilène a subi à cause de la gestion de l’ex-Déléguée Mestre. Passée l’époque de la répression physique du phalangiste néodémocratisé Ansuátegui (1), nous voyons comment le PSOE a cherché une nouvelle technique répressive intensifiée, alliant à la loi du bâton d’Ansuátegui la torture, la répression économique et la prison à des niveaux beaucoup plus intenses.
Si l’on commence à compter à partir du 12 mai 2006, date à laquelle Mestre a pris officiellement en charge le poste de Déléguée du gouvernement (selon le BOE n°117 du 17 mai 2006), le bilan répressif seulement à Madrid est brutal :
50 ans de prison pour 9 camarades qui manifestaient en faveur d’un logement digne, en mai 2006.
35 ans de prison et 8 400 euros d’amende pour 7 personnes arrêtées alors qu’elles tentaient de démontrer que Tirso de Molina est un lieu où le racisme n’a pas sa place. Février 2008.
70 ans de prison et 16 800 euros d’amende pour 14 personnes arrêtées alors qu’elles protestaient contre la conférence d’un leader fasciste européen dans un hôtel madrilène. Septembre 2008.
35 ans de prison et 8 400 euros d’amende pour 7 autres personnes arrêtées alors qu’elles manifestaient leur solidarité avec la Grèce et Alexei dans la rue Montera. Décembre 2008.
125 ans de prison et 30 000 euros d’amende pour 27 camarades qui protestaient alors que le discours fasciste tentait de parvenir à Vallecas. Mars 2009.
Plus de 200 000 euros de nombreuses amendes contre des camarades qui portaient l’antifascisme et la juste lutte contre le racisme sur le terrain de football de Rayo Vallecano.
Si nous ajoutons à cette vague répressive les divers antifascistes réprimés au cours des trois années d’exercice de Mestre, en lien avec les squats, ou avec les divers et nombreux cas d’autodéfense face aux agressions nazies, tous avec leur numéro de dossier judiciaire correspondant et la grande majorité en attente de jugement, nous obtenons un total impressionnant et incomplet de :
Plus de 120 inculpés, regroupés dans 30 procès distincts au minimum, avec plus de 100 personnes emprisonnées, 15 d’entre elles étant mineures, et une personne expulsée du pays.
Peines économiques contre toutes ces personnes, qui dépassent au total les 300 000 euros.
La somme des années de prison de tous les procès que nous avons pu comptabiliser frôle les 400 ans, précisément elle dépasse le 4 577 mois, soit 381 années de prison pour le mouvement juvénile antifasciste madrilène.
Deux morts. Carlos assassiné alors qu’il allait manifester contre une manifestation raciste, et Jelilla, alors qu’il se défendait lors d’une agression nazie.
Trois camarades gravement blessés, l’un avec un caillot dans le cerveau entraîné par un coup porté par un agent de l’UIP [Unité d’Intervention Policière], l’autre poignardé au poumon par Josué Estébanez, et un troisième qui a perdu l’œil après avoir été touché par une bombe lacrymogène lancée par l’UIP.
Un nombre incalculable de blessés plus légers lors de charges de police, torturés dans les fourgons de l’UIP et dans les commissariats.
Des dommages matériels dans tous les quartiers où se sont déroulées des actions fascistes et dont seul le PSOE est responsable.
Une tentative d’illégalisation de la Coordination antifasciste de Madrid.
Une fois exposés tous ces faits, il est évident que le PSOE utilise les divers outils de l’Etat pour freiner un antifascisme qui devrait être une obligation morale pour tout citoyen.
Aujourd’hui, la révocation de Soledad Mestre, publiée dans le Décret royal 718/2009, du 24 avril, et dans le BOE du mardi 28 avril 2009, sec. II.A., p. 37435, finit de démontrer de manière implicite que ses décisions en tant que Déléguée ont été des erreurs, à tel point qu’elles ont entraîné sa destitution.
Si l’on considère ce point de vue comme étant valide, il serait logique de penser que toutes les peines économiques et/ou de prison qui ont été entraînées par la permissivité négligente de la déléguée du gouvernement destituée devraient être annulées.
Pourtant, et bien que nous soyons conscients que nous ne réunissions pas les conditions nécessaires pour pouvoir le faire, nous exigeons qu’une bonne fois pour toutes la justice s’applique pour ces 3 années, et que toutes les instructions ouvertes contre des antifascistes, à cause d’une Déléguée du gouvernement qui a démontré son incapacité, soient annulées et que les camarades soient blanchis de toute inculpation.
Ce n’est pas un problème de qui est à la tête de la Délégation du gouvernement ou de quel parti gouverne, c’est un problème intrinsèque à tout le système capitaliste qui à mesure qu’il se développera généralisera et intensifiera la répression.
Pour une société dans laquelle être antifasciste ne soit plus un délit, sinon un devoir...
ACQUITTEMENT DES ANTIFASCISTES REPRIMES PAR SOLEDAD MESTRE ET LE PSOE !!
LIBERTE POUR LES PRISONNIERS POLITIQUES !!
Madrid, 9 juillet 2009
COORDINATION ANTIFASCISTE DE MADRID
(1) Francisco Javier Ansuátegui y Gárate, né en 1937 à Elgoibar (Gipuzkoa) diplômé en Droit. Il a été affilié à l’UCD, à l’AP puis au PP. Il fut Gouverneur civil en Alava (lors du premier gouvernement d’Adolfo Suárez – qui a mené la « transition démocratique » espagnole –), à Cordoue et en Navarre, puis Délégué du gouvernement également en Navarre avant d’être nommé à Madrid par José María Aznar entre mai 2000 et avril 2004. Par ailleurs, il est, depuis 1990, avocat du Tribunal de la Rote – la Rote romaine est l’un des trois tribunaux de l’Eglise catholique romaine – , de la Nonciature apostolique de Madrid. [NdT]
Source :
http://madrid.antifa.net/campanas/70-comunicado/407-3-anos-de-soledad-381-a-la-sombra
Traduction : Mari