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Yves : Je reste un partisan. Le partisan d’un monde plus juste

mardi 1er mai 2001

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Extrait de Franc-Tireur 7, bulletin de soutien aux FTP

Condamné à 5 ans de prison, Yves revient sur celle-ci. Faire appel de ce verdict très lourd était dans son idée, mais sachant que la Cour d’Appel d’Aix était encore plus dure que celle de Marseille et que le risque de se trouver face à un magistrat proche des idées du FN risquaient d’alourdir la peine, il a préféré revenir sur sa décision. Le mouvement de solidarité très actif doit donc se poursuivre.

Ma condamnation à 5 ans de prison a eu l’air de surprendre beaucoup de monde, au-delà même du cercle militant. Sans doute parce que ces derniers se sont seulement arrêtés au seul contexte dans lequel j’ai commis ces actions, c’est-à-dire dans celui du cadre d’une lutte antifasciste. Il est donc clair que ce verdict vise à me faire payer cette forme de lutte sinon les moyens employés, ainsi que le fait que je les ai toujours assumé d’un point de vue politique, sans regrets ni reniements. Hors cette lutte ne se réduisait pas à ce seul objectif, mais s’inscrivait plus largement dans celui de la construction d’un mouvement social autonome qui serait capable de provoquer une rupture profonde avec l’ensemble des valeurs marchandes. Ce verdict ne sanctionne donc pas seulement mes actes, il vise au-delà. Il faut donc l’analyser et mettre en évidence quels en sont les motifs réels. En France le néo-libéralisme est arrivé déguisé en socialiste, les marchés financiers préféreront la gestion de la gauche, plus efficace pour appliquer l’économie financiarisé et désamorcer les contre feus qui s’allument ça et là. soucieux de sa vieille mission qu’il a hérité de Léon Blum " dans sa gestion loyale du Kapital ", Jospin a parfaitement intégré la pensée dominante et qui consacre la prééminence de l’économie dans l’élaboration programmatique. Dans sa séquence post mitterandienne d’inventaire, il a compris tout l’intérêt d’associer un PC qui se pose surtout le problème de sa survie et des Verts qui entre girouettes carriéristes (Voynet, Cohn Bendit) et mat amore médiatique (Mamère) passent leur temps à la chasse aux strapontins, quitte à renier une grande partie de leur programme sur le nucléaire. Tandis que transformé en instance para étatique, souvent subventionné par l’Etat, les bureaucraties syndicales défendent le compromis social.

Mais cela n’aurait pas pu être possible sans l’aide de la Droite la plus bête du monde qui à la faveur d’une dissolution leur a offert le pouvoir sur un plateau, et à délégué son rôle de faire valoir au baron du MEDEF. Conforté par les chiffres du chômage en baisse et de ceux de la croissance en hausse, la social-démocratie se met à penser de plus en plus fort à son retour au plus haut sommet de l’Etat.

Pourtant derrière cet horizon virtuel se profile une toute autre réalité.

Le boom de l’emploi n’entame pas la tendance à l’augmentation des emplois précaires. Il ne parvient pas non plus à diminuer sensiblement le nombre d’allocataires du RMI et ne contrarie pas pour l’instant, ni la montée du travail à temps partiel contraint, ni la progression des emplois à bas ou à très bas salaire, ni la dégradation des conditions de travail et de la santé des travailleurs. Tout cela figure noir sur blanc dans les statistiques officielles. Au point que l’on découvre à peine étonné, à la lecture d’une étude de l’INSEE qu’un pays comme la France compte, 1,3 millions de travailleurs pauvres (c’est-à-dire gagnant moins de 3500 F par mois). La gauche plurielle dans son ensemble n’imagine plus rien que l’accompagnement social d’une réussite économique indiscutable. C’est la raison officielle pour laquelle toute idée d’une rupture avec le Kapitalisme et officiellement liquidée comme " utopique ", " populiste " ou " totalitaire " (en référence au communisme stalinien), tout au plus est-il envisager d’en réformer les dysfonctionnements les plus criants (Taxe Tobin). Face à ce que l’on présente comme inéluctable cette économie qu’on nous dit naturelle à l’Homme, une partie de ceux qui la subisse ne trouve que l’abstention pour marquer leur désaveu du pouvoir politique. Ce qui ne gêne pas tellement le pouvoir politique, puisque sa légitimité provient avant tout de sa capacité à gérer au profit des grands organismes internationaux comme l’OMC ou des Networks d’entreprises multinationales (tels l’investissement Network forme de 50 multinationales comme Fiat, Daimler Benz, British Petroleum, Rhône Poulenc, etc.).

Depuis il y a eu Seatle, Davos, Millau, Prague, Nice, ce à quoi on peut ajouter les luttes des ouvriers de Cellatex ou de la brasserie Adel Shoeffen, qui sont venus démontrés d’une part le rejet du projet global de domination de l’économie sur nos vies et celui des pouvoirs téléphoniques chargés de les appliquer.

C’est en cela que ce verdict, au-delà de ma petite personne, à valeur d’exemple pour toutes celles et tous ceux qui chercheraient à inscrire leurs critiques et leurs actions en dehors de la contestation institutionnalisée, en leur montrant ce qu’ils/elles risquent. Il confirme qu’on a plus le droit de sortir de ce consensus obligé et obligatoire. Il s’inscrit dans le processus global de criminalisation des luttes collectives et de ceux qui les mènent (individus ou organisations). Il participe à rendre visible les choix d’un pouvoir politique qui généralise et relègue les précaires et les pauvres, qui se pose en gestionnaire et en bras répressif du pouvoir économique libéral. Pour le pouvoir, résistance et solidarité sont des concepts propices aux célébrations d’événements passés et ne doivent surtout pas se conjuguer au présent, faute d’être réprimés.

La seule révolte acceptable et accepté reste celle de l’humanitaire, conjugué à toutes les sauces : humanitaire cache misère, humanitaire cache guerre, et humanitaire cache politique.

En fait ce que l’Etat et sa représentation politique craignent avant tout, ce n’est pas nos actions (qui restent isolées), ni leur violence (qui est limitée), mais le fait :

- qu’elles soient issues très souvent, du refus des formes traditionnelles des mobilisations politiques, telle que la délégation de pouvoir sous la forme des élections et de celui du discours consensuel qui cherche à circonscrire le terrain du rapport de force aux seules négociations policées.
- qu’elles visent à encourager la capacité critique, la résistance et la participation directe de tous les intéressés.
- qu’elles soient rattachées à des formes d’organisation autogestionnaire caractérisées par leurs légéretés, et permettent aux gens de se réapproprier leur rôle de sujet actif.
- qu’elles s’orientent vers des objectifs précis, concerts et importants pour la vie sociale (logement, travail, santé, citoyenneté, etc.). -qu’elles tendent à privilégier l’Action directe et le choix de l’illégalité face à la légalité de l’illégitimité.
- qu’elles exaltent la solidarité réelle, au détriment de l’humanitaire ou du caritatif.
- Et par dessus tout qu’elles finissent par permettre la rencontre, la confrontation des expériences, et l’établissement de passerelles entre les diverses luttes, débouchant sur la convergence de celles-ci vers un but commun ; une réappropriation de nos vies dans le cadre d’une rupture radicale avec le kapitalisme.

Leur répression devient donc un impératif de gestion politique, tout comme l’extension du flocage, du fichage, du nettoyage social des centres villes, de la vidéo-surveillance, et de la pénalisation de la misère au moyen du couple contrôle social/justice.

C’est avec tout cela à l’esprit qu’a été prononcé un tel verdict, destiné à frapper fort les esprits, discréditer les formes d’actions qui choisissent le terrain de l’illégalité et enfin isoler leurs auteurs du reste de la population. Il ne doit pas nous arrêter loin de là.

Car la seule manière de construire une véritable alternative c’est de ramener le politique sur le terrain des clivages entre classes sociales, sur celui de l’affrontement entre le travail et le Kapital, en organisant et en socialisant la révolte à partir des luttes quotidiennes pour permettre enfin la construction d’un rapport de force en faveur des opprimés.

Le seul danger qui nous guette vraiment, ce n’est pas la répression mais celui de la peur de s’engager dans cette voie.

Yves Peirat

Première publication : No Pasaran, mai 2001


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