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Yves Peirat, poseur de bombes anti-FN, défend son « choix politique » au tribunal

Le Monde

mercredi 7 février 2001

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Un militant d’extrême gauche, auteur de douze attentats commis à Marseille de 1991 à 1998 contre des permanences du Front national, s’est expliqué sur son activisme, mardi 6 février, devant la 7e chambre du tribunal correctionnel de Marseille.

Sa première cible, le 14 juillet 1991, avait été le siège de la Fédération départementale du Front national. Yves Peirat avait lancé trois cocktails Molotov contre la porte de l’édifice, à la veille d’une fête bleu-blanc-rouge. L’année suivante, il plastiquait un restaurant où le Front national de la jeunesse devait organiser une journée bande dessinée, « avec un dessinateur qui avait porté l’uniforme allemand ». A l’exception de la direction départementale du travail et de l’emploi, endommagée le 1er mai 1994 pour « apporter un soutien un peu bruyant à la lutte des travailleurs » et le consulat d’Italie pris pour cible, le 16 décembre 1994, à la veille d’un sommet franco-italien, à Aix-en-Provence, réunissant François Mitterrand et Silvio Berlusconi qui venait de nommer « trois ministres néofascistes » dans son gouvernement, tous les autres attentats ont visé le parti de Jean-Marie Le Pen. Les six premiers, perpétrés jusqu’en 1996, sont couverts par la prescription.

« Militant anarchiste libertaire », Yves Peirat a justifié « une radicalisation » de son action en 1995, à la suite du meurtre d’Ibrahim Ali, un lycéen de dix-sept ans tué d’une balle dans le dos par trois colleurs d’affiches du FN. « Des militants armés qui assassinent des gens ne pouvaient pas être combattus par les moyens classiques. S’il n’y avait pas eu Ibrahim Ali, je n’aurais peut-être pas continué. C’est un choix politique de poser des bombes, je l’assume. » Deux années de suite, à la date anniversaire de la mort du lycéen, puis, en 1998, à la veille de l’ouverture du procès de ses meurtriers, une permanence du parti d’extrême droite est plastiquée.

Depuis 1995, Yves Peirat revendique ses attentats, au nom des Francs-Tireurs partisans (FTP), un groupe de résistants, et « dédie » chacune de ses actions à la mémoire d’un des vingt-trois combattants communistes de l’Affiche rouge, fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien. Ibrahim Ali a été tué un 21 février : « Entre ces gens qui se sont battus pour la liberté et la mort d’un jeune tué par le FN, il y avait pour moi un raccourci saisissant. » A l’audience, un ancien FTP, Jacques Jurquet, soixante-dix-neuf ans, s’est dit « entièrement solidaire » de la lutte d’Yves Peirat : « Je n’ai pas été troublé par cette usurpation du titre. Lorsque j’étais FTP, j’ai fait sauter des voies ferrées, cela m’a valu des médailles. Voilà la différence. Il s’est trompé d’époque. »

« J’AI DÉCIDÉ D’INTERVENIR »

Bien que son frère Albert et un fidèle ami, William Ferrari, responsable technique d’une radio privée alternative, comparaissent à ses côtés pour complicité, Yves Peirat affirme avoir agi seul et pris les plus grandes précautions.« J’ai toujours fait très attention qu’il n’y ait personne », a-t-il déclaré. Ce petit-fils d’un militant du Parti socialiste ouvrier espagnol ayant croupi dans les geôles franquistes s’est refusé à préciser à la présidente, Jacqueline Faglin, d’où provenaient le plastic et la pentrite avec lesquels il remplissait des extincteurs. « Quand on cherche, on trouve », s’est-il borné à répondre, un sourire aux lèvres. Ce militant anti-FN était allé jusqu’à adhérer au parti d’extrême droite pour mieux en infiltrer les réseaux, s’abonnant à la littérature officielle et à certains fanzines néonazis. C’est dans ces revues circulant sous le manteau qu’il avait obtenu des adresses aux USA pour se doter de manuels sur l’usage des explosifs.

La scission du FN, en décembre 1998, l’avait incité à cesser ses attentats. Le dernier avait visé, deux mois plus tôt, le transformateur électrique du Stadium, la salle de spectacles de Vitrolles où la municipalité de Catherine Mégret (FN, puis MNR) organisait un festival de rock identitaire. « Les autorités compétentes n’ont pas interdit ce concert qui était un trouble à l’ordre public en lui-même. J’ai décidé d’intervenir. »

Le parquet a réclamé cinq ans d’emprisonnement à l’encontre d’Yves Peirat et dix-huit mois de prison dont « une partie » avec sursis contre William Ferrari, qui lui avait fourni un retardateur pour l’attentat de Vitrolles. Il a enfin fait part de ses doutes quant à la culpabilité d’Albert Peirat. Le procès devait s’achever mercredi 7 février

Luc Leroux

LE MONDE | 07.02.01 | 14h27


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