Solidarité Résistance Antifa
Accueil du site > Historique > Affaire des FTP > Intervention de Robert Bret, sénateur (PC) à la conférence de presse du 5 (...)

Intervention de Robert Bret, sénateur (PC) à la conférence de presse du 5 mai 2000

vendredi 5 mai 2000

imprimer

Mesdames et Messieurs les Journalistes.

Ma présence à cette conférence de presse, ma participation au Comité de soutien pour exiger la libération d’Yves PEIRAT, revêt une signification toute particulière et symbolise mon hostilité, mon aversion à l’égard de toute idéologie basée sur le rejet de l’autre, parce qu’il est différent de par sa couleur de peau, mais aussi de par sa religion, sa culture, sa nationalité.

Le racisme est la forme extrême de cette idéologie du rejet de l’autre. Je combats cette xénophobie.

1) Pour comprendre et expliquer - sans les excuser - les faits reprochés à Yves PEIRAT, il convient de les restituer dans le contexte politique de l’époque.

Ce contexte, quel était-il ?

Dès 1985, et notamment à partir des législatives et de 1’élection présidentielle de 1988, le Front National, mouvement politique d’extrême droite drainant des idées fascisantes, se développe et gagne en influence pour se stabiliser, lors des dernières législatives ; en 1997, autour de 15% de votants

Notre Région du Sud, Marseille en particulier, est la plus touchée par la montée des idées de Jean-Marie LE PEN.

Jean-Claude GAUDIN, élu en 1992 à la présidence du Conseil Régional PACA, n’hésitera pas, lors de sa première mandature, à s’allier les votes du Front National pour disposer d’une majorité.

C’est à cette époque qu’apparaissent les tensions et provocations, toutes aussi réfléchies que scandaleuses de LE PEN : I’holocauste du peuple juif par les nazis allemands devient un " détail " ; " Dufour crématoire " . " I’inégalité des races " pour ne citer que celles-ci.

En 1995, ce sont 4 villes de notre Région (Toulon, Orange, Vitrolles et Marignane) qui tombent sous le joug du FN, 5 si 1’on y ajoute Nice dont le maire est un ancien membre du FN, rallié depuis au RPR.

Enf1n, avec les élections régionales de 1998, on voit naître dans plusieurs Conseils Régionaux des alliances inavouables entre la droite traditionnelle et son extrême.

Pendant toute cette période, la crise politique a grandi. L’incapacité des partis de gauche à jouer pleinement leur rôle et à apporter des réponses politiques, sans parler des dérives populistes qui ont vu le jour à Marseille avec l’entrée en politique de Bernard TAPE, expliquent pour partie la décision d’Yves PEIRAT d’utiliser des méthodes que je conteste clairement.

Respectueux de l’Etat de Droit, je n’approuve aucunement ce type de méthode contraire à l’action démocratique et au rassemblement le plus large des forces progressistes. D’autant plus lorsque cela permet, comme c’est le cas aujourd’hui, au FN de se positionner en victime.

Alors que c’est le Front National qui produit de la haine et de la violence pouvant aller jusqu’à l’assassinat.

En effet, comment ne pas rappeler l’assassinat d’Ibrahim Alim, ce jeune français, d’origine comorienne, tué par des colleurs d’affiches du Front National le 21 février 1995.

C’est ce fait tragique qui a décidé Yves PEIRAT à entrer, comme ils le disent, en "résistance active" contre le FN.

Pour riposter à ce crime odieux et combattre toute forme de racisme ainsi que le mouvement qui en est porteur, Yves va commettre des attentats perpétrés contre des permanences ou des intérêts du Front National dans les Bouches-du-Rhône, et principalement à Marseille et à Vitrolles.

Or, précisons qu’aucune des explosions n’a entraîné de morts ou de blessés. Il n y a jamais eu intention de porter atteinte aux personnes. La police, elle-même. le reconnaît. Chaque fois les charges étaient légères et elles n’ont entraîné que des dégâts matériels.

2) Mon deuxième point sera consacré aux 11 mois de détention provisoire aux Baumettes (et 4 mois et demi pour William FERRARI à Luynes) qu’aura effectué Yves PEIRAT, si son procès a bien lieu en septembre prochain.

A l’heure où l’on évoque beaucoup la réforme de la justice, le principe de la détention provisoire, les alternatives à l’incarcération et les conditions de détention en prison, - j’en sais quelque chose, croyez-moi, après avoir visité plusieurs Maisons d’Arrêt dans le cadre de la Commission d’enquête du Sénat dont je suis membre - le maintien d’Yves PEIRAT en détention préventive depuis 6 mois est difficilement concevable, voire injustifié.

La prison, aujourd’hui, est le reflet, à la fois démultiplié et concentré, de tous les maux et plaies de notre société.

Il existe une surpopulation carcérale qui s’explique, non seulement par I’existence d’un Code Pénal très répressif, mais aussi par la judiciarisation croissante de notre société, une société où le juge intervient de façon accrue et dans les domaines les plus divers.

De fait, il y a beaucoup de gens en prison, voire trop, et certains n’ont rien à y faire : mineurs, étrangers sans papiers, détenus souffrant de troubles mentaux... Comme si on pensait voir disparaître tous les maux et les questions posées à notre société en les cachant derrière 4 murs.

Je pense également à tous ceux qui sont innocents aux yeux de la loi c’est-à-dire, ceux dont les procès et la décision de justice qui en découle n’ont pas encore eu lieu. Jusqu’à ce qu’une juridiction, à l’issue d’un procès contradictoire et impartial, se soit prononcée sur sa culpabilité, une personne reste innocente.

Permettez-moi de rappeler que la mise en détention provisoire a pour objectif de conserver les preuves, de garantir le maintien de la personne à la disposition de la justice ou de mettre fin à l’infraction ou de prévenir un " trouble à l’ordre public " notion extrêmement floue permettant tous les abus.

A l’occasion de la visite des Baumettes que j’ai effectuée pour la Commission d’enquête du Sénat, j’ai pu rencontrer Yves PEIRAT le 19 avril dernier. Nous avons longuement discuté. Il revendique effectivement ces attentats dans le cadre du combat politique qu’il mène contre le FN mais ses actions ont toujours été d’ordre symbolique. Entre la date de son arrestation et la dernière action à I’encontre d’un siège du FN, une année s’était écoulée. Il avait donc renonce, depuis, à ce type d’action.

Autrement dit, sa remise en liberté aujourd’hui, que nous demandons instamment, n’aurait aucun effet, ni sur l’ordre public ni sur le déroulement de I’instruction en cour puisque Yves PEIRAT reconnaît et revendique les faits. Il ne cherche pas à fuir la justice.

D’autre part, laisser Yves PEIRAT en prison, c’est faire un amalgame de responsabilités, pourtant totalement différentes, entre l’assassin d’lbrahim ALIM, condamné à 15 ans de réclusion, ceux qui sont moralement responsables de ce meurtre et qui sont en liberté et Yves PEIRAT qui n’a que voulu crier son indignation, sa révolte en faisant tomber des murs.

Est-ce acceptable, tolérable que l’assassin d’lbrahim ALIM et Yves PEIRAT soient tous les deux du même côté des barreaux ?

Peut-on décemment mettre sur un pied d’égalité les auteurs d’un crime raciste et des militants anti-fascistes ?

Je réponds non ! !

Maintenir Yves en prison dans l’attente de son procès, c’est donner du crédit au Front National qui se positionne en victimes. Ce qui est inacceptable ! !

C’est la politique du Front National qu’il faut mettre à l’index, pas ceux qui la dénoncent.

Pour conclure, je dirais qu’il n’y a donc pas de raison objective, valable de garder Yves PEIRAT derrière les barreaux. Il faut qu’il soit libéré !

Le moment du procès venu, nous savons que l’extrême droite, qui s’est portée partie civile, va tout faire pour se présenter comme victime des dégradations matérielles, dégradations qui relèvent pourtant plus du symbole que de l’attentat terroriste.

Aussi, nous devons faire en sorte qu’une nouvelle manipulation des faits de la part du FN n’ait pas lieu. Car il ne faudra pas se tromper de procès ! C’est bien le procès du FN qui doit avoir lieu et pas celui de ce militant anti-fasciste.

Nous aurons à rappeler que le racisme est, au terme de la loi, un délit passible d’amende et d’années de prison.

Pour toutes ces raisons, Yves PEIRAT et William FERRARI devront, tous les deux, sortir libres de ce procès.


Suivre la vie du site RSS 2.0 | SRA 21 ter rue Voltaire 75011 Paris | sra (a) samizdat.net | Soutien chèques à l'ordre de LAB